De la glace Ă portĂ©e de lac ! Le site des glaciĂšres au bord du lac de Sylans© Haut Bugey Tourisme / V. Chauvet Le lac de Sylans, situĂ© dans la cluse de Nantua fut le cadre dâune des plus importantes activitĂ©s dâexploitation de la glace. Celui-ci possĂšde une surface dâun peu plus de quarante-neuf hectares, a une longueur de deux kilomĂštres et comprend 4,7 millions de mĂštres cube dâune eau trĂšs pure en raison de sa faible minĂ©ralisation. Sa situation gĂ©ographique, son faible ensoleillement en ont fait un lieu propice Ă la formation d'une glace limpide de bonne qualitĂ©. Câest ce que comprend un cafetier de Nantua, propriĂ©taire du CafĂ© du Paradis, Joachim Moinat qui rafraĂźchit ainsi les boissons de ces clients. En 1864, celui-ci dĂ©cide de consacrer son activitĂ© Ă l'exploitation de la glace. Il obtient l'accord des communes des Neyrolles et du Poizat, propriĂ©taires du lac, pour la construction des bĂątiments. Une redevance payĂ©e Ă l'Etat, lui permet d'ĂȘtre le seul exploitant du lac. Pour conserver la glace, il fait Ă©difier, Ă partir de 1869, un bĂątiment en bois avec des murs isolants. Son activitĂ© se dĂ©veloppe rapidement jusqu'Ă employer 300 ouvriers en deux Ă©quipes de jour et de nuit. L'ouverture de la ligne des Carpates en 1882 et le raccordement du site au rĂ©seau de voie ferrĂ©e de la compagnie Paris-Lyon-MĂ©diterranĂ©e ou PLM ouvre encore de nouveaux dĂ©bouchĂ©s Ă l'entreprise qui peut dĂ©velopper ses expĂ©ditions de glace vers Lyon, Paris, Toulon, Marseille, GenĂšve et Alger. VidĂ©o Une usine de glaçons Des wagons de glaçons Le 17 janvier 1884, Moinat cĂ©de son activitĂ© Ă la sociĂ©tĂ© des GlaciĂšres de Paris fondĂ©e en 1868. Le chantier de glace de Sylans passe alors de lâartisanat au stade industriel. Lâentreprise fait dâimportants investissements entre 1890 et 1910, perfectionne les entrepĂŽts en les habillant de pierre, ils peuvent entreposer jusquâĂ 70 000 mÂł de glace. Construites le plus Ă l'ombre possible, les glaciĂšres sont surmontĂ©es, en 1905, dâune dalle de bĂ©ton pour renforcer la conservation de la glace jusquâĂ lâĂ©tĂ©. Les bĂątiments annexes servent Ă©galement de cantine, dâĂ©curie, de poudriĂšre, dâateliers de rĂ©paration et de bureaux. La production de glace s'Ă©lĂšve jusqu'Ă 300 000 tonnes lors des gros hivers. Ă lâĂ©tĂ© 1894, ce sont 50 wagons chargĂ©s de glace qui quittent chaque jour le site pour l'acheminer Ă destination, dans les meilleures conditions de conservation. On la couvre, dans les wagons, dâune toile de jute puis de vingt centimĂštres de paille fraĂźche et enfin de bĂąches de protection avec la mention "ne pas diffĂ©rer". Chaque jour, ce sont 30 Ă 40 wagons qui sont expĂ©diĂ©s. Sur dix tonnes partant de Sylans, huit arrivent Ă Paris. La dĂ©perdition est donc plutĂŽt faible. Quand le rĂ©frigĂ©rateur s'en mĂȘle... A partir de 1924 les bĂątiments sont laissĂ©s Ă l'abandon© DĂ©partement de l'Ain / J. Alves LâactivitĂ© dĂ©cline rapidement au tournant du 20e siĂšcle. La premiĂšre raison de ce ralentissement vient du rĂ©chauffement climatique qui rend la rĂ©colte de glace moins importante quâauparavant. Ensuite, la PremiĂšre Guerre mondiale, dĂ©sorganise complĂštement l'activitĂ© avec le dĂ©part des hommes au front. La derniĂšre rĂ©colte de glace a lieu Ă lâhiver 1917. Finalement, la diffusion de la glace artificielle grĂące au rĂ©frigĂ©rateur porte un coup terrible aux chantiers de glace naturel en gĂ©nĂ©ral, et donc Ă celui de Sylans en particulier. En 1926, les GlaciĂšres de Paris, Ă la fin de leur bail, rendent aux communes le site de Sylans dont les installations sont dĂ©montĂ©es et les bĂątiments laissĂ©s Ă lâabandon. RachetĂ©s fin 2007 par la CommunautĂ© de Commune du lac de Nantua, les lieux sont rĂ©habilitĂ©s et amĂ©nagĂ©s, un circuit d'interprĂ©tation permet de mieux comprendre ce site unique. En famille /Des clowns au musĂ©e Le 06/11/2022 MusĂ©e du Bugey-Valromey, Lochieu Visites guidĂ©es clownesques pour clore sa saison 2022. En savoir plus La semaine qui fait peur Du 31/10/2022 au 06/11/2022 MusĂ©e du Revermont, Cuisiat Rendez-vous pour une semaine inĂ©dite avec une programmation pensĂ©e spĂ©cialement pour donner la chair de poule ! Et nâoubliez pas de venir costumĂ©s. En savoir plus Jeune public // La semaine qui fait peur Du 31/10/2022 au 06/11/2022 MusĂ©e du Revermont - Cuisiat Rendez-vous pour une semaine inĂ©dite avec une programmation pensĂ©e spĂ©cialement pour donner la chair de poule ! Et nâoubliez pas de venir costumĂ©s. En savoir plus Le cauchemar des Rougemont Du 29/10/2022 au 30/10/2022 de 13 h 00 Ă 20 h 00 Ă Aranc RĂ©pondez Ă lâappel du seigneur de Rougemont pour cette fabuleuse trilogie au cĆur de son territoire dans les montagnes du Bugey ! Acte 3. En savoir plus Famille / vacances au musĂ©e Du 27/10/2022 au 03/11/2022 MusĂ©e du Bugey-Valromey, Lochieu - 14h Jeudi 27 octobre et jeudi 3 novembre Ă 14 h Pour les vacances d'automne, le musĂ©e vous propose un aprĂšs-midi ludique avec ses visites-ateliers. En savoir plus Natacha Saint-Pier en concert Le 15/10/2022 Ă 20 h 30 Ă l'Ă©glise de Villereversure Au profit de la restauration de l'Ă©glise de Saint-Maurice-d'Echazeaux. En savoir plus JournĂ©e des fruits dâautomne Du 15/10/2022 au 16/10/2022 MusĂ©e du Revermont, Cuisiat Le musĂ©e sâassocie de nouveau Ă cette manifestation incontournable du Revermont et ouvre ses portes gratuitement pour l'occasion. En savoir plus Du DĂ©partement de l'Ain au nouveau diocĂšse de Belley, l'Ă©piscopat de Mgr Devie Du 10/10/2022 au 12/10/2022 Bourg-en-Bresse et Belley DĂ©couvrez l'Ain de 1789 Ă 1853 Ă travers la personnalitĂ© du Monseigneur Devie, premier Ă©vĂȘque du diocĂšse de Belleyn, grĂące Ă ce colloque initiĂ© par la SociĂ©tĂ© Nouvelle Gorini En savoir plus Seulement se dire - spectacle musical, cie ANAO Le 08/10/2022 Espace AndrĂ© Malraux, 20h En septembre 1939, Marcel est mobilisĂ© peu de temps aprĂšs son mariage avec Alphonsine. AprĂšs lâArmistice, il est fait prisonnier par les Allemands et ... En savoir plus CafĂ© Histoire Le 24/09/2022 MusĂ©e de la RĂ©sistance et de la DĂ©portation de l'Ain, Nantua - 15h ConfĂ©rence de Fabien ThĂ©ofilakis, consacrĂ©e aux prisonniers de guerre allemands. Sous rĂ©serve, se renseigner auprĂšs du musĂ©e. En savoir plus
Despersonnages dont il peint toujours les yeux en dernier, car comme il aime Ă le souligner : « les yeux, câest la vie ! ». Horaires du salon de thĂ© : Octobre : ouvert du mardi au vendredi de 10h30 Ă 18h, le samedi et dimanche de 14h Ă 18h. FermĂ© le lundi. Novembre : ouvert du mardi au vendredi de 10h30 Ă 18h. FermĂ© le samedi, dimanche, lundi. manifestations culturelles autourLes machines Ă glaçons Histoire des machines Ă glaçons Au milieu du XIXe siĂšcle, il fallait se procurer les glaçons dans les Alpes. Des paysans devaient casser des tonnes de glace au bĂąton de dynamite. Ces blocs de glace atteignaient souvent 100 kilos. On les faisait dĂ©valer les montagnes sur de grands glissoirs. Des paysans travaillaient toute la journĂ©e Ă â20 °C Ă ce travail d'extraction[1]. Ă Paris, on trouve une station de mĂ©tro nommĂ©e glaciĂšre 13e arrondissement, allusion au travail pĂ©nible qui y Ă©tait pratiquĂ© en effet, on prĂ©levait de la glace dans les Ă©tangs de la BiĂšvre durant lâhiver. La glace Ă©tait rĂ©servĂ©e aux nantis. C'est Henri III qui en a introduisit lâusage Ă la renaissance, des glaciĂšres Ă©tant installĂ©es dans les chĂąteaux des aristocrates les plus fortunĂ©s. Elles consistent en des Ă©difices en pierre, souvent rond, avec des murs Ă©pais pour bien isoler les prĂ©cieux blocs rafraĂźchissants. LâĂ©tĂ© au pied du Mont Blanc, 600 tonnes de glace Ă©taient prĂ©levĂ©es. La glace de certains lacs de montagne, trĂšs pure dans lâAin, Ă©tait vendue 10 francs la tonne Ă©quivalent au prix dâun mouton Ă lâĂ©poque. Dans le Jura Vaudois se trouvait un entrepĂŽt de glace qui pouvait contenir jusqu'Ă 40 000 tonnes de glace, Cette marchandise Ă©tait ensuite expĂ©diĂ©e en train vers Lyon, Paris ou Marseille, et mĂȘme jusqu'Ă Alger. Ă la fin du XIXe siĂšcle [2], la mise au point de machines fabriquant de la glace provoquera la faillite de lâactivitĂ© artisanale dans les montagnes. Pour obtenir de la glace, il faut du froid que l'on gĂ©nĂšre en provoquant une rĂ©action endothermique. En 1756 William Cullen montra la premiĂšre dĂ©monstration publique dâun systĂšme artificiel de refroidissement. Il utilisait une pompe pour crĂ©e du vide dans un contenant rempli dâĂ©ther. En retirant cette chaleur de son environnement cela commença Ă bouillir[pas clair]. Ce qui conduit Ă la formation de petites quantitĂ©s de glace. Il n'y eut cependant pas de commercialisation de cette invention. Pendant longtemps les techniques de refroidissement nâont pas vraiment Ă©voluĂ© et sont restĂ©es Ă un stade expĂ©rimental. En 1869, Charles Tellier dĂ©veloppe la premiĂšre machine rĂ©frigĂ©rante permettant de conserver des aliments. Dans les annĂ©es 1920, une machine Ă absorber le froid est créée machine a dechau en SuĂšde et commercialisĂ©e 750 $ composĂ©e dâune boĂźte en bois, dâun compresseur refroidi Ă lâeau, d'une feuille pour conserver la glace et un peu de azul filfil[Quoi ?]. Ă titre de comparaison, la Ford modĂšle T ne coĂ»tait Ă l'Ă©poque que 400 $. Fonctionnement des machines Ă glaçons Voici le fonctionnement du systĂšme de refroidissement d'une machine Ă glaçons[3],[4] son but est dâĂ©vaporer le liquide de la machine, dite frigorigĂšne », pour capter la chaleur. Ce fluide circule dans lâĂ©vaporateur oĂč il est vaporisĂ© et devient donc gazeux, ce gaz-ci est froid et cherche Ă monter en tempĂ©rature, absorbant la chaleur de lâeau. Par la suite, le gaz passera par un compresseur, situĂ© Ă lâextĂ©rieur de la machine Ă glaçon oĂč il se liquĂ©fie et passe dans un serpentin nommĂ© condensateur pour rejeter lâair chaud dans lâair ambiant. Le fonctionnement est relativement simple, cependant il nĂ©cessite plusieurs constituants[5] un moteur, une pompe et un fluide frigorigĂšne. Une minuterie est dĂ©clenchĂ©e, et la pompe Ă glace remplit le moule Ă glaçons. Par la suite le thermostat vĂ©rifie si lâeau est devenue glace, auquel cas les glaçons sont dĂ©moulĂ©s. Les glaçons sont distribuĂ©s sur la façade de la machine, Ă la demande de lâusager. Une vis sans fin entraĂźnĂ©e par un moteur se met en rotation. Les glaçons sont alors dirigĂ©s vers lâavant et tombent dans un rĂ©cipient oĂč ils sont rĂ©ceptionnĂ©s. Ce rĂ©cipient n'est gĂ©nĂ©ralement pas rĂ©frigĂ©rĂ©, les glaçons fondent donc progressivement. Ils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s juste aprĂšs leur fabrication, ou conservĂ©s au frais au congĂ©lateur[6]. Les machines Ă glaces et Ă sorbets Les machines glaces et sorbetiĂšre permettent la production de crĂšmes glacĂ©es ou de sorbets le plus souvent grĂące Ă la rotation dâun moteur ou manuellement par une poignĂ©e entraĂźnant une hĂ©lice dans un bac rĂ©frigĂ©rĂ©. Cette rotation permet dâaĂ©rer les cristaux de glace et de rĂ©duire leur taille, Ă moins de 50 ”m[7]. Histoire des machines Ă glaces et Ă sorbets Les premiĂšres machines Ă sorbets sont apparues il y a plus de 2 000 ans, en Asie et dans le monde Arabe. La fabrication des sorbets se rĂ©sumait alors Ă mĂ©langer dans un tonneau des fruits coupĂ©s, des jus de fruit ou mĂȘme du vin et de la neige apportĂ©e des massifs montagneux. Ă cela Ă©taient ajoutĂ©s du miel ou du salpĂȘtre pour abaisser le point de congĂ©lation de lâeau. Le tout Ă©tait mĂ©langĂ© Ă l'aide de sortes de rames. Les sorbets Ă©taient alors rĂ©servĂ©s aux souverains, les seuls Ă pouvoir importer de la neige depuis les montagnes. Cette technique fut ensuite apprise par les Grecs, suivis des Romains, qui rĂ©coltĂšrent alors des tonnes de neige au sommet de lâEtna pour les transporter jusquâĂ Rome. Lâempereur NĂ©ron apprĂ©ciait servir des fruits au miel Ă©crasĂ©s dans de la neige Ă ses invitĂ©s. Cette pratique disparut peu Ă peu en Occident, si bien que Marco Polo aurait rapportĂ© la recette des sorbets de ses voyages en Asie . Câest au XVe siĂšcle quâun pĂątissier Italien a eu lâidĂ©e dâajouter de la crĂšme dans les sorbets, les transformant ainsi en crĂšmes glacĂ©es. Il faut ensuite attendre 1843 et Nancy Johnson, qui imagine la premiĂšre sorbetiĂšre Ă manivelle. La production industrielle des crĂšmes glacĂ©es commence peu de temps aprĂšs, Ă Baltimore aux Ătats-Unis[8]. Fonctionnement des machines Ă glaces et Ă sorbets Il existe deux types de machines Les machines Ă accumulation, reposent sur le principe de la conduction thermique, on place le contenant au congĂ©lateur pendant plusieurs heures. Il suffit de brancher lâhĂ©lice et le moteur au rĂ©cipient et dây verser lâeau et les autres ingrĂ©dients. Le froid est alors transmis Ă la prĂ©paration, qui cristallise alors pendant la rotation de lâhĂ©lice en environ une demi heure Les machines autonomes ou turbines Ă glace, fonctionnent grĂące Ă un groupe rĂ©frigĂ©rant, refroidissant la mixture dans le bac. Un moteur entraĂźne, lĂ encore lâhĂ©lice en rotation, il faut alors attendre approximativement une heure[9]. Notes et rĂ©fĂ©rences â Comment Ă©taient fabriquĂ©s les premiers glaçons ? », sur Ăa m'intĂ©resse - La curiositĂ© en continu, 20 mai 2018 consultĂ© le 4 avril 2019 â L'histoire du froid », sur Air Technologie Climatisation Froid ATCF, Sens, 21 juin 2012 consultĂ© le 4 avril 2019 â Froid et Cycle d'une machine Ă glaçons, dĂ©tail et fonctionnement », sur envie de lire, 14 avril 2017 â Fabrique Ă glace et glace pilĂ©e », sur consultĂ© le 4 avril 2019 â Fonctionnement rĂ©frigĂ©rateur infos fonctionnement frigo - Ooreka », sur consultĂ© le 4 avril 2019 â Machines Ă glaçons », sur consultĂ© le 15 mai 2020 â How does a commercial ice cream maker machine work? - Quora », sur consultĂ© le 30 avril 2019 â Glaces et sorbets lâhistoire dâune fraĂźcheur millĂ©naire », sur L'AcadĂ©mie du GoĂ»t consultĂ© le 30 avril 2019 â », sur CDiscount consultĂ© le 30 avril 2019
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Ămile ZolaLes Rougon-Macquart SĂ©rie IntĂ©graleLa Collection IntĂ©grale des ROUGON-MACQUART 20 titresTable des matiĂšresLa fortune des RougonPrĂ©faceChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIILa curĂ©eChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIILe ventre de ParisChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VILa conquĂȘte de PlassansChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIIChapitre XVIIIChapitre XIXChapitre XXChapitre XXIChapitre XXIIChapitre XXIIILa faute de lâabbĂ© MouretLIVRE PREMIERLIVRE DEUXIĂMELIVRE TROISIĂMESon Excellence EugĂšne RougonChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVLâAssommoirChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIUne page dâamour1Ăšre Partie2Ăšme partie3Ăšme partie4Ăšme partie5Ăšme partieNanaChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVPot-BouilleChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre XVChapitre XVIChapitre XVIIChapitre XVIIIAu Bonheur des DamesChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVChapitre Joie de vivreChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIGerminalPremiĂšre partieDeuxiĂšme partieTroisiĂšme partieQuatriĂšme partieCinquiĂšme partieSixiĂšme partieSeptiĂšme partieLâOeuvreChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIILa TerrePremiĂšre partieDeuxiĂšme partieTroisiĂšme partieQuatriĂšme partieCinquiĂšme partieLe RĂȘveChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVLa BĂȘte humaineChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIILâArgentChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIILa DĂ©bĂąclePremiĂšre partieDeuxiĂšme partieTroisiĂšme partieLe Docteur PascalChapitre IChapitre IIChapitre IIIChapitre IVChapitre VChapitre VIChapitre VIIChapitre VIIIChapitre IXChapitre XChapitre XIChapitre XIIChapitre XIIIChapitre XIVLa fortune des RougonTable des matiĂšres1871 Ămile ZolaPrĂ©faceTable des matiĂšresJe veux expliquer comment une famille, un petit groupe dâĂȘtres, se comporte dans une sociĂ©tĂ©, en sâĂ©panouissant pour donner naissance Ă dix, Ă vingt individus qui paraissent, au premier coup dâoeil, profondĂ©ment dissemblables, mais que lâanalyse montre intimement liĂ©s les uns aux autres. LâhĂ©rĂ©ditĂ© a ses lois, comme la pesanteur. Je tĂącherai de trouver et de suivre, en rĂ©solvant la double question des tempĂ©raments et des milieux, le fil qui conduit mathĂ©matiquement dâun homme Ă un autre homme. Et quand je tiendrai tous les fils, quand jâaurai entre les mains tout un groupe social, je ferai voir ce groupe Ă lâoeuvre, comme acteur dâune Ă©poque historique, je le crĂ©erai agissant dans la complexitĂ© de ses efforts, jâanalyserai Ă la fois la somme de volontĂ© de chacun de ses membres et la poussĂ©e gĂ©nĂ©rale de lâensemble. Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose dâĂ©tudier, a pour caractĂ©ristique le dĂ©bordement des appĂ©tits, le large soulĂšvement de notre Ăąge, qui se rue aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et sanguins qui se dĂ©clarent dans une race, Ă la suite dâune premiĂšre lĂ©sion organique, et qui dĂ©terminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments, les dĂ©sirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives, dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils partent du peuple, ils sâirradient dans toute la sociĂ©tĂ© contemporaine, ils montent Ă toutes les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses classes en marche Ă travers le corps social, et ils racontent ainsi le Second Empire, Ă lâaide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup dâĂtat Ă la trahison de Sedan. Depuis trois annĂ©es, je rassemblais les documents de ce grand ouvrage, et le prĂ©sent volume Ă©tait mĂȘme Ă©crit, lorsque la chute des Bonaparte, dont jâavais besoin comme artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser lâespĂ©rer si prochaine, est venue me donner le dĂ©nouement terrible et nĂ©cessaire de mon oeuvre. Celle-ci est, dĂšs aujourdâhui, complĂšte; elle sâagite dans un cercle fini; elle devient le tableau dâun rĂšgne mort, dâune Ă©trange Ă©poque de folie et de honte. Cette oeuvre, qui formera plusieurs Ă©pisodes, est donc, dans ma pensĂ©e, lâHistoire naturelle et sociale dâune famille sous le Second Empire, et le premier Ă©pisode La Fortune des Rougon, doit sâappeler de son titre scientifique Les Origines. ĂMILE ZOLA. Paris, le 1er juillet ITable des matiĂšresLorsquâon sort de Plassans par la porte de Rome, situĂ©e au sud de la ville, on trouve, Ă droite de la route de Nice, aprĂšs avoir dĂ©passĂ© les premiĂšres maisons du faubourg, un terrain vague dĂ©signĂ© dans le pays sous le nom dâaire Saint-Mittre est un carrĂ© long, dâune certaine Ă©tendue, qui sâallonge au ras du trottoir de la route, dont une simple bande dâherbe usĂ©e la sĂ©pare. Dâun cĂŽtĂ©, Ă droite, une ruelle, qui va se terminer en cul-de-sac, la borde dâune rangĂ©e de masures; Ă gauche et au fond, elle est close par deux pans de muraille rongĂ©s de mousse, au-dessus desquels on aperçoit les branches hautes des mĂ»riers du Jas-Meiffren, grande propriĂ©tĂ© qui a son entrĂ©e plus bas dans le faubourg. Ainsi fermĂ©e de trois cĂŽtĂ©s, lâaire est comme une place qui ne conduit nulle part et que les promeneurs seuls il y avait lĂ un cimetiĂšre placĂ© sous la protection de Saint-Mittre, un saint provençal fort honorĂ© dans la contrĂ©e. Les vieux de Plassans, en 1851, se souvenaient encore dâavoir vu debout les murs de ce cimetiĂšre, qui Ă©tait restĂ© fermĂ© pendant des annĂ©es. La terre, que lâon gorgeait de cadavres depuis plus dâun siĂšcle, suait la mort, et lâon avait dĂ» ouvrir un nouveau champ de sĂ©pultures Ă lâautre bout de la ville. AbandonnĂ©, lâancien cimetiĂšre sâĂ©tait Ă©purĂ© Ă chaque printemps, en se couvrant dâune vĂ©gĂ©tation noire et drue. Ce sol gras, dans lequel les fossoyeurs ne pouvaient plus donner un coup de bĂȘche sans arracher quelque lambeau humain, eut une fertilitĂ© formidable. De la route, aprĂšs les pluies de mai et les soleils de juin, on apercevait les pointes des herbes qui dĂ©bordaient les murs; en dedans, câĂ©tait une mer dâun vert sombre, profonde, piquĂ©e de fleurs larges, dâun Ă©clat singulier. On sentait en dessous, dans lâombre des tiges pressĂ©es, le terreau humide qui bouillait et suintait la des curiositĂ©s de ce champ Ă©tait alors des poiriers aux bras tordus, aux noeuds monstrueux, dont pas une mĂ©nagĂšre de Plassans nâaurait voulu cueillir les fruits la ville, on parlait de ces fruits avec des grimaces de dĂ©goĂ»t; mais les gamins du faubourg nâavaient pas de ces dĂ©licatesses, et ils escaladaient la muraille, par bandes, le soir, au crĂ©puscule, pour aller voler les poires, avant mĂȘme quâelles fussent vie ardente des herbes et des arbres eut bientĂŽt dĂ©vorĂ© toute la mort de lâancien cimetiĂšre Saint-Mittre; la pourriture humaine fut mangĂ©e avidement par les fleurs et les fruits, et il arriva quâon ne sentit plus, en passant le long de ce cloaque, que les senteurs pĂ©nĂ©trantes des giroflĂ©es sauvages. Ce fut lâaffaire de quelques ce temps, la ville songea Ă tirer parti de ce bien communal, qui dormait inutile. On abattit les murs longeant la route et lâimpasse, on arracha les herbes et les poiriers. Puis on dĂ©mĂ©nagea le cimetiĂšre. Le sol fut fouillĂ© Ă plusieurs mĂštres, et lâon amoncela, dans un coin, les ossements que la terre voulut bien rendre. Pendant prĂšs dâun mois, les gamins, qui pleuraient les poiriers, jouĂšrent aux boules avec des crĂąnes; de mauvais plaisants pendirent, une nuit, des fĂ©murs et des tibias Ă tous les cordons de sonnette de la ville. Ce scandale, dont Plassans garde encore le souvenir, ne cessa que le jour oĂč lâon se dĂ©cida Ă aller jeter le tas dâos au fond dâun trou creusĂ© dans le nouveau cimetiĂšre. Mais, en province, les travaux se font avec une sage lenteur, et les habitants, durant une grande semaine, virent, de loin en loin, un seul tombereau transportant des dĂ©bris humains, comme il aurait transportĂ© des plĂątras. Le pis Ă©tait que ce tombereau devait traverser Plassans dans toute sa longueur, et que le mauvais pavĂ© des rues lui faisait semer, Ă chaque cahot, des fragments dâos et des poignĂ©es de terre grasse. Pas la moindre cĂ©rĂ©monie religieuse; un charroi lent et ville ne fut plus plusieurs annĂ©es, le terrain de lâancien cimetiĂšre Saint-Mittre resta un objet dâĂ©pouvante. Ouvert Ă tout venant sur le bord dâune grande route, il demeura dĂ©sert, en proie de nouveau aux herbes folles. La ville, qui comptait sans doute le vendre et y voir bĂątir des maisons, ne dut pas trouver dâacquĂ©reur; peut-ĂȘtre le souvenir dâun tas dâos et ce tombereau allant et venant par les rues, seul, avec le lourd entĂȘtement dâun cauchemar, fit-il reculer les gens; peut-ĂȘtre faut-il plutĂŽt expliquer le fait par les paresses de la province, par cette rĂ©pugnance quâelle Ă©prouve Ă dĂ©truire et Ă reconstruire. La vĂ©ritĂ© est que la ville garda le terrain et quâelle finit mĂȘme par oublier son dĂ©sir de le vendre. Elle ne lâentoura seulement pas dâune palissade; entra qui peu Ă peu, les annĂ©es aidant, on sâhabitua Ă ce coin vide; on sâassit sur lâherbe des bords, on traversa le champ, on le peupla. Quand les pieds des promeneurs eurent usĂ© le tapis dâherbe et que la terre battue fut devenue grise et dure, lâancien cimetiĂšre eut quelque ressemblance avec une place publique mal nivelĂ©e. Pour mieux effacer tout souvenir rĂ©pugnant, les habitants furent, Ă leur insu, conduits lentement Ă changer lâappellation du terrain; on se contenta de garder le nom du saint dont on baptisa Ă©galement le cul-de-sac qui se creuse dans un coin du champ il y eut lâaire Saint-Mittre et lâimpasse faits datent de loin. Depuis plus de trente ans, lâaire Saint-Mittre a une physionomie particuliĂšre. La ville, bien trop insouciante et endormie pour en tirer un bon parti, lâa louĂ©e, moyennant une faible somme, Ă des charrons du faubourg qui en ont fait un chantier de bois. Elle est encore aujourdâhui encombrĂ©e de poutres Ă©normes, de dix Ă quinze mĂštres de longueur, gisant çà et lĂ , par tas, pareilles Ă des faisceaux de hautes colonnes renversĂ©es sur le sol. Ces tas de poutres, ces sortes de mĂąts posĂ©s parallĂšlement et qui vont dâun bout du champ Ă lâautre, sont une continuelle joie pour les gamins. Des piĂšces de bois ayant glissĂ©, le terrain se trouve, Ă certains endroits, complĂštement recouvert par une espĂšce de parquet, aux feuilles arrondies, sur lequel on nâarrive Ă marcher quâavec des miracles dâĂ©quilibre. Tout le jour, des bandes dâenfants se livrent Ă cet exercice. On les voit sautant les gros madriers, suivant Ă la file les arĂȘtes Ă©troites, se traĂźnant Ă califourchon, jeux variĂ©s qui se terminent gĂ©nĂ©ralement par des bousculades et des larmes; ou bien ils sâassoient une douzaine, serrĂ©s les uns contre les autres, sur le bout mince dâune poutre Ă©levĂ©e de quelques pieds au-dessus du sol, et ils se balancent pendant des heures. Lâaire Saint-Mittre est ainsi devenue le lieu de rĂ©crĂ©ation oĂč tous les fonds de culotte des galopins du faubourg viennent sâuser depuis plus dâun quart de qui a achevĂ© de donner Ă ce coin perdu un caractĂšre Ă©trange, câest lâĂ©lection de domicile que, par un usage traditionnel, y font les bohĂ©miens de passage. DĂšs quâune de ces maisons roulantes, qui contiennent une tribu entiĂšre, arrive Ă Plassans, elle va se remiser au fond de lâaire la place nâest-elle jamais vide; il y a toujours lĂ quelque bande aux allures singuliĂšres, quelque troupe dâhommes fauves et de femmes horriblement sĂ©chĂ©es parmi lesquels on voit se rouler Ă terre des groupes de beaux enfants. Ce monde vit sans honte, en plein air, devant tous, faisant bouillir leur marmite, mangeant des choses sans nom, Ă©talant leurs nippes trouĂ©es, dormant, se battant, sâembrassant, puant la saletĂ© et la champ mort et dĂ©sert, oĂč les frelons autrefois bourdonnaient seuls autour des fleurs grasses, dans le silence Ă©crasant du soleil, est ainsi devenu un lieu retentissant quâemplissent de bruit les querelles des bohĂ©miens et les cris aigus des jeunes vauriens du faubourg. Une scierie, qui dĂ©bite dans un coin les poutres du chantier, grince, servant de basse sourde et continue aux voix aigres. Cette scierie est toute primitive la piĂšce de bois est posĂ©e sur deux trĂ©teaux Ă©levĂ©s, et deux scieurs de long, lâun en haut montĂ© sur la poutre mĂȘme, lâautre en bas aveuglĂ© par la sciure qui tombe, impriment Ă une large et forte lame de scie un continuel mouvement de va-et-vient. Pendant des heures, ces hommes se plient, pareils Ă des pantins articulĂ©s, avec une rĂ©gularitĂ© et une sĂ©cheresse de machine. Le bois quâils dĂ©bitent est rangĂ©, le long de la muraille du fond, par tas hauts de deux ou trois mĂštres et mĂ©thodiquement construits, planche Ă planche, en forme de cube parfait. Ces sortes de meules carrĂ©es, qui restent souvent lĂ plusieurs saisons, rongĂ©es dâherbes au ras du sol, sont un des charmes de lâaire Saint-Mittre. Elles mĂ©nagent des sentiers mystĂ©rieux, Ă©troits et discrets, qui conduisent Ă une allĂ©e plus large, laissĂ©e entre les tas et la muraille. Câest un dĂ©sert, une bande de verdure dâoĂč lâon ne voit que des morceaux de ciel. Dans cette allĂ©e, dont les murs sont tendus de mousse et dont le sol semble couvert dâun tapis de haute laine, rĂšgnent encore la vĂ©gĂ©tation puissante et le silence frissonnant de lâancien y sent courir ces souffles chauds et vagues des voluptĂ©s de la mort qui sortent des vieilles tombes chauffĂ©es par les grands soleils. Il nây a pas, dans la campagne de Plassans, un endroit plus Ă©mu, plus vibrant de tiĂ©deur, de solitude et dâamour. Câest lĂ oĂč il est exquis dâaimer. Lorsquâon vida le cimetiĂšre, on dut entasser les ossements dans ce coin, car il nâest pas rare, encore aujourdâhui, en fouillant du pied lâherbe humide, dây dĂ©terrer des fragments de dâailleurs, ne songe plus aux morts qui ont dormi sous cette herbe. Dans le jour, les enfants seuls vont derriĂšre les tas de bois lorsquâils jouent Ă verte reste vierge et ignorĂ©e. On ne voit que le chantier encombrĂ© de poutres et gris de poussiĂšre. Le matin et lâaprĂšs-midi, quand le soleil est tiĂšde, le terrain entier grouille et, au-dessus de toute cette turbulence, au-dessus des galopins jouant parmi les piĂšces de bois et des bohĂ©miens attisant le feu sous leur marmite, la silhouette sĂšche du scieur de long montĂ© sur sa poutre se dĂ©tache en plein ciel, allant et venant avec un mouvement rĂ©gulier de balancier, comme pour rĂ©gler la vie ardente et nouvelle qui a poussĂ© dans cet ancien champ dâĂ©ternel repos. Il nây a que les vieux, assis sur les poutres et se chauffant au soleil couchant, qui parfois parlent encore entre eux des os quâils ont vu jadis charrier dans les rues de Plassans, par le tombereau la nuit tombe, lâaire Saint-Mittre se vide, se creuse, pareille Ă un grand trou noir. Au fond, on nâaperçoit plus que la lueur mourante du feu des bohĂ©miens. Par moments, des ombres disparaissent silencieusement dans la masse Ă©paisse des tĂ©nĂšbres. Lâhiver surtout, le lieu devient dimanche soir, vers sept heures, un jeune homme sortit doucement de lâimpasse Saint-Mittre et, rasant les murs, sâengagea parmi les poutres du chantier. On Ă©tait dans les premiers jours de dĂ©cembre 1851. Il faisait un froid sec. La lune, pleine en ce moment, avait ces clartĂ©s aiguĂ«s particuliĂšres aux lunes dâhiver. Le chantier, cette nuit-lĂ , ne se creusait pas sinistrement comme par les nuits pluvieuses, Ă©clairĂ© de larges nappes de lumiĂšre blanche; il sâĂ©tendait dans le silence et lâimmobilitĂ© du froid avec une mĂ©lancolie jeune homme sâarrĂȘta quelques secondes sur le bord du champ, regardant devant lui dâun air de dĂ©fiance. Il tenait, cachĂ©e sous sa veste, la crosse dâun long fusil dont le canon, baissĂ© vers la terre, luisait au clair de lune. Serrant lâarme contre sa poitrine, il scruta attentivement du regard les carrĂ©s de tĂ©nĂšbres que les tas de planches jetaient au fond du terrain. Il y avait lĂ comme un damier blanc et noir de lumiĂšre et dâombre, aux cases nettement coupĂ©es. Au milieu de lâaire, sur un morceau du sol gris et nu, les trĂ©teaux des scieurs de long se dessinaient, allongĂ©s, Ă©troits, bizarres, pareils Ă une monstrueuse figure gĂ©omĂ©trique tracĂ©e Ă lâencre sur du papier. Le reste du chantier, le parquet de poutres, nâĂ©tait quâun vaste lit oĂč la clartĂ© dormait, Ă peine striĂ©e de minces raies noires par les lignes dâombres qui coulaient le long des gros madriers. Sous cette lune dâhiver, dans le silence glacĂ©, ce flot de mĂąts couchĂ©s, immobiles, comme raidis de sommeil et de froid, rappelait les morts du vieux cimetiĂšre. Le jeune homme ne jeta sur cet espace vide quâun rapide coup dâoeil; pas un ĂȘtre, pas un souffle, aucun pĂ©ril dâĂȘtre vu ni entendu. Les taches sombres du fond lâinquiĂ©taient davantage. Cependant, aprĂšs un court examen, il se hasarda, il traversa rapidement le quâil se sentit Ă couvert, il ralentit sa marche. Il Ă©tait alors dans lâallĂ©e verte qui longe la muraille, derriĂšre les planches. LĂ , il nâentendit mĂȘme plus le bruit de ses pas; lâherbe gelĂ©e craquait Ă peine sous ses pieds. Un sentiment de bien-ĂȘtre parut sâemparer de lui. Il devait aimer ce lieu, nây craindre aucun danger, nây rien venir chercher que de doux et de bon. Il cessa de cacher son fusil. LâallĂ©e sâallongeait, pareille Ă une tranchĂ©e dâombre; de loin en loin, la lune, glissant entre deux tas de planches, coupait lâherbe dâune raie de lumiĂšre. Tout dormait, les tĂ©nĂšbres et les clartĂ©s, dâun sommeil profond, doux et triste. Rien de comparable Ă la paix de ce sentier. Le jeune homme le suivit dans toute sa longueur. Au bout, Ă lâendroit oĂč les murailles du Jas-Meiffren font un angle, il sâarrĂȘta, prĂȘtant lâoreille comme pour Ă©couter si quelque bruit ne venait pas de la propriĂ©tĂ© voisine. Puis, nâentendant rien, il se baissa, Ă©carta une planche et cacha son fusil dans un tas de y avait lĂ , dans lâangle, une vieille pierre tombale oubliĂ©e lors du dĂ©mĂ©nagement de lâancien cimetiĂšre et qui, posĂ©e sur un champ et un peu de biais, faisait une sorte de banc Ă©levĂ©. La pluie en avait Ă©miettĂ© les bords, la mousse la rongeait lentement. On eĂ»t cependant pu lire encore, au clair de lune, ce fragment dâĂ©pitaphe gravĂ© sur la face qui entrait en terre Cygist⊠Marie⊠morte⊠Le temps avait effacĂ© le il eut cachĂ© son fusil, le jeune homme, Ă©coutant de nouveau et nâentendant toujours rien, se dĂ©cida Ă monter sur la pierre. Le mur Ă©tait bas; il posa les coudes sur le chaperon. Mais au-delĂ de la rangĂ©e de mĂ»riers qui longe la muraille, il ne vit quâune plaine de lumiĂšre; les terres du Jas-Meiffren, plates et sans arbres, sâĂ©tendaient sous la lune comme une immense piĂšce de linge Ă©cru; Ă une centaine de mĂštres, lâhabitation et les communs habitĂ©s par le mĂ©ger faisaient des taches dâun blanc plus Ă©clatant. Le jeune homme regardait de ce cĂŽtĂ© avec inquiĂ©tude, lorsquâune horloge de la ville se mit Ă sonner sept heures, Ă coups graves et compta les coups, puis il descendit de la pierre comme surpris et sâassit sur le banc en homme qui consent Ă une longue attente. Il ne semblait mĂȘme pas sentir le froid. Pendant prĂšs dâune demi-heure, il demeura immobile, les yeux fixĂ©s sur une masse dâombre, songeur. Il sâĂ©tait placĂ© dans un coin noir; mais, peu Ă peu, la lune qui montait le gagna et sa tĂȘte se trouva en pleine un garçon Ă lâair vigoureux, dont la bouche fine et la peau encore dĂ©licate annonçaient la jeunesse. Il devait avoir dix-sept ans. Il Ă©tait beau, dâune beautĂ© face maigre et allongĂ©e semblait creusĂ©e par le coup de pouce dâun sculpteur puissant; le front montueux, les arcades sourciliĂšres proĂ©minentes, le nez en bec dâaigle, le menton fait dâun large mĂ©plat, les joues accusant les pommettes et coupĂ©es de plans fuyants, donnaient Ă la tĂȘte un relief dâune vigueur singuliĂšre. Avec lâĂąge, cette tĂȘte devait prendre un caractĂšre osseux trop prononcĂ©, une maigreur de chevalier errant. Mais, Ă cette heure de pubertĂ©, Ă peine couverte aux joues et au menton de poils follets, elle Ă©tait corrigĂ©e dans sa rudesse par certaines mollesses charmantes, par certains coins de la physionomie restĂ©s vagues et yeux, dâun noir tendre, encore noyĂ©s dâadolescence, mettaient aussi de la douceur dans ce masque les femmes nâauraient point aimĂ© cet enfant, car il Ă©tait loin dâĂȘtre ce quâon nomme un joli garçon, mais lâensemble de ses traits avait une vie si ardente et si sympathique, une telle beautĂ© dâenthousiasme et de force, que les filles de sa province, ces filles brĂ»lĂ©es du Midi, devaient rĂȘver de lui, lorsquâil venait Ă passer devant leur porte, par les chaudes soirĂ©es de songeait toujours, assis sur la pierre tombale, ne sentant pas les clartĂ©s de la lune qui coulaient maintenant le long de sa poitrine et de ses jambes. Il Ă©tait de taille moyenne, lĂ©gĂšrement trapu. Au bout de ses bras trop dĂ©veloppĂ©s, des mains dâouvrier, que le travail avait durcies, sâemmanchaient solidement; ses pieds, chaussĂ©s de gros souliers lacĂ©s, paraissaient forts, carrĂ©s du bout. Par les attaches et les extrĂ©mitĂ©s, par lâattitude alourdie des membres, il Ă©tait peuple; mais il y avait en lui, dans le redressement du cou et dans les lueurs pensantes des yeux, comme une rĂ©volte sourde contre lâabrutissement du mĂ©tier manuel qui commençait Ă le courber vers la terre. Ce devait ĂȘtre une nature intelligente noyĂ©e au fond de la pesanteur de sa race et de sa classe, un de ces esprits tendres et exquis logĂ©s en pleine chair, et qui souffrent de ne pouvoir sortir rayonnants de leur Ă©paisse enveloppe. Aussi, dans sa force, paraissait-il timide et inquiet, ayant honte Ă son insu de se sentir incomplet et de ne savoir comment se complĂ©ter. Brave enfant, dont les ignorances Ă©taient devenues des enthousiasmes, coeur dâhomme servi par une raison de petit garçon, capable dâabandons comme une femme et de courage comme un hĂ©ros. Ce soir-lĂ , il Ă©tait vĂȘtu dâun pantalon et dâune veste de velours de coton verdĂątre Ă petites cĂŽtes. Un chapeau de feutre mou, posĂ© lĂ©gĂšrement en arriĂšre, lui jetait au front une raie dâ la demie sonna Ă lâhorloge voisine, il fut tirĂ© en sursaut de sa rĂȘverie. En se voyant blanc de lumiĂšre, il regarda devant lui avec inquiĂ©tude. Dâun mouvement brusque, il rentra dans le noir, mais il ne put retrouver le fil de sa rĂȘverie. Il sentit alors que ses pieds et ses mains se glaçaient, et lâimpatience le reprit. Il monta de nouveau jeter un coup dâoeil dans le Jas-Meiffren, toujours silencieux et ne sachant plus comment tuer le temps, il redescendit, prit son fusil dans le tas de planches oĂč il lâavait cachĂ© et sâamusa Ă en faire jouer la batterie. Cette arme Ă©tait une longue et lourde carabine qui avait sans doute appartenu Ă quelque contrebandier; Ă lâĂ©paisseur de la crosse et Ă la culasse puissante du canon, on reconnaissait un ancien fusil Ă pierre quâun armurier du pays avait transformĂ© en fusil Ă piston. On voit de ces carabines-lĂ accrochĂ©es dans les fermes, au-dessus des cheminĂ©es. Le jeune homme caressait son arme avec amour; il rabattit le chien Ă plus de vingt reprises, introduisit son petit doigt dans le canon, examina attentivement la crosse. Peu Ă peu, il sâanima dâun jeune enthousiasme auquel se mĂȘlait quelque enfantillage. Il finit par mettre la carabine en joue, visant dans le vide comme un conscrit qui fait lâ heures ne devaient pas tarder Ă sonner. Il gardait son arme en joue depuis une grande minute, lorsquâune voix, lĂ©gĂšre comme un souffle, basse et haletante, vint du Jas-Meiffren. Es-tu lĂ , SilvĂšre? » demanda la laissa tomber son fusil et, dâun bond, se trouva sur la pierre tombale. Oui, oui, rĂ©pondit-il, en Ă©touffant Ă©galement sa voixâŠAttends, je vais tâaider. » Il nâavait pas encore tendu les bras, quâune tĂȘte de jeune fille apparut au-dessus de la muraille. Lâenfant, avec une agilitĂ© singuliĂšre, sâĂ©tait aidĂ©e du tronc dâun mĂ»rier et avait grimpĂ© comme une jeune chatte. A la certitude et Ă lâaisance de ses mouvements, on voyait que cet Ă©trange chemin devait lui ĂȘtre familier. En un clin dâoeil, elle se trouva assise sur le chaperon du mur. Alors SilvĂšre la prit dans ses bras et la posa sur le banc. Mais elle se dĂ©battit. Laisse donc, disaitelle avec un rire de gamine qui joue, laisse donc⊠Je sais bien descendre toute seule. » Puis, quand elle fut sur la pierre Tu mâattends depuis longtemps?⊠Jâai couru, je suis tout essoufflĂ©e. » SilvĂšre ne rĂ©pondit pas. Il ne paraissait guĂšre en train de rire, il regardait lâenfant dâun air chagrin. Il sâassit Ă cĂŽtĂ© dâelle, en disant Je voulais te voir, Miette. Je tâaurais attendu toute la nuit⊠Je pars demain matin, au jour. » Miette venait dâapercevoir le fusil couchĂ© sur lâ devint grave, elle murmura Ah!⊠câest dĂ©cidé⊠voilĂ ton fusil⊠» Il y eut un silence. Oui, rĂ©pondit SilvĂšre dâune voix plus mal assurĂ©e encore, câest mon fusil⊠Jâai prĂ©fĂ©rĂ© le sortir ce soir de la maison; demain matin, tante Dide aurait pu me le voir prendre, et cela lâaurait inquiĂ©tĂ©e⊠Je vais le cacher, je viendrai le chercher au moment de partir. » Et, comme Miette semblait ne pouvoir dĂ©tacher les yeux de cette antre quâil avait si sottement laissĂ©e sur lâherbe, il se leva et la glissa de nouveau dans le tas de planches. Nous avons appris ce matin, dit-il en se rasseyant, que les insurgĂ©s de la Palud et de Saint-Martin-de-Vaulx Ă©taient en marche, et quâils avaient passĂ© la nuit derniĂšre Ă a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que nous nous joindrions Ă eux. Cet aprĂšs midi, une partie des ouvriers de Plassans ont quittĂ© la ville; demain, ceux qui restent encore iront retrouver leurs frĂšres. » Il prononça ce mot de frĂšres avec une emphase sâanimant, dâune voix plus vibrante La lutte devient inĂ©vitable, ajouta-t-il; mais le droit est de notre cĂŽtĂ©, nous triompherons. »Miette Ă©coutait SilvĂšre, regardant devant elle fixement sans voir. Quand il se tut Câest bien », dit-elle au bout dâun silence Tu mâavais avertie⊠cependant jâespĂ©rais encoreâŠEnfin, câest dĂ©cidĂ©. » Ils ne purent trouver dâautres paroles. Le coin dĂ©sert du chantier, la ruelle verte reprit son calme mĂ©lancolique; il nây eut plus que la lune vivante faisant tourner sur lâherbe lâombre des tas de planches. Le groupe formĂ© par les deux jeunes gens sur la pierre tombale Ă©tait devenu immobile et muet, dans la clartĂ© pĂąle. SilvĂšre avait passĂ© le bras autour de la taille de Miette, et celle-ci sâĂ©tait laissĂ©e aller contre son Ă©paule. Ils nâĂ©changĂšrent pas de baisers, rien quâune Ă©treinte oĂč lâamour avait lâinnocence attendrie dâune tendresse Ă©tait couverte dâune grande mante brune Ă capuchon qui lui tombait jusquâaux pieds et lâenveloppait tout entiĂšre. On ne voyait que sa tĂȘte et ses mains. Les femmes du peuple, les paysannes et les ouvriĂšres portent encore, en Provence, ces larges mantes, que lâon nomme pelisses dans le pays, et dont la mode doit remonter fort loin. En arrivant, Miette avait rejetĂ© le capuchon en arriĂšre. Vivant en plein air, de sang brĂ»lant, elle ne portait jamais de bonnet. Sa tĂȘte nue se dĂ©tachait vigoureusement sur la muraille blanchie par la lune. CâĂ©tait une enfant, mais une enfant qui devenait femme. Elle se trouvait Ă cette heure indĂ©cise et adorable oĂč la grande fille naĂźt dans la gamine. Il y a alors, chez toute adolescente, une dĂ©licatesse de bouton naissant, une hĂ©sitation de formes dâun charme exquis; les lignes pleines et voluptueuses de la pubertĂ© sâindiquent dans les innocentes maigreurs de lâenfance; la femme se dĂ©gage avec ses premiers embarras pudiques, gardant encore Ă demi son corps de petite fille, et mettant, Ă son insu, dans chacun de ses traits, lâaveu de son sexe. Pour certaines filles, cette heure est mauvaise; celles-lĂ croissent brusquement, enlaidissent, deviennent jaunes et frĂȘles comme des plantes hĂątives. Pour Miette, pour toutes celles qui sont riches de sang et qui vivent en plein air, câest une heure de grĂące pĂ©nĂ©trante quâelles ne retrouvent jamais. Miette avait treize ans. Bien quâelle fut forte dĂ©jĂ , on ne lui en eĂ»t pas donnĂ© davantage, tant sa physionomie riait encore, par moments, dâun rire clair et naĂŻf. Dâailleurs, elle devait ĂȘtre nubile, la femme sâĂ©panouissait rapidement en elle grĂące au climat et Ă la vie rude quâelle menait. Elle Ă©tait presque aussi grande que SilvĂšre, grasse et toute frĂ©missante de vie. Comme son ami, elle nâavait pas la beautĂ© de tout le monde. On ne lâeĂ»t pas trouvĂ©e laide; mais elle eĂ»t paru au moins Ă©trange Ă beaucoup de jolis jeunes gens. Elle avait des cheveux superbes; plantĂ©s rudes et droits sur le front, ils se rejetaient puissamment en arriĂšre, ainsi quâune vague jaillissante, puis coulaient le long de son crĂąne et de sa nuque, pareils Ă une mer crĂ©pue, pleine de bouillonnements et de caprices, dâun noir dâencre. Ils Ă©taient si Ă©pais quâelle ne savait quâen faire. Ils la gĂȘnaient. Elle les tordait en plusieurs brins, de la grosseur dâun poignet dâenfant, le plus fortement quâelle pouvait, pour quâils tinssent moins de place, puis elle les massait derriĂšre sa tĂȘte. Elle nâavait guĂšre le temps de songer Ă sa coiffure, et il arrivait toujours que ce chignon Ă©norme, fait sans glace et Ă la hĂąte, prenait sous ses doigts une grĂące puissante. A la voir coiffĂ©e de ce casque vivant, de ce tas de cheveux frisĂ©s qui dĂ©bordaient sur ses tempes et sur son cou comme une peau de bĂȘte, on comprenait pourquoi elle allait tĂȘte nue, sans jamais se soucier des pluies ni des la ligne sombre des cheveux, le front, trĂšs bas, avait la forme et la couleur dorĂ©e dâun mince croissant de lune. Les yeux gros, Ă fleur de tĂȘte; le nez court, large aux narines et relevĂ© du bout; les lĂšvres, trop fortes et trop rouges, eussent paru autant de laideurs si on les eĂ»t examinĂ©s Ă part. Mais, pris dans la rondeur charmante de la face, vus dans le jeu ardent de la vie, ces dĂ©tails du visage formaient un ensemble dâune Ă©trange et saisissante beautĂ©. Quand Miette riait, renversant la tĂȘte en arriĂšre et la penchant mollement sur son Ă©paule droite, elle ressemblait Ă la Bacchante antique, avec sa gorge gonflĂ©e de gaietĂ© sonore, ses joues arrondies comme celles dâun enfant, ses larges dents blanches, ses torsades de cheveux crĂ©pus que les Ă©clats de sa joie agitaient sur sa nuque, ainsi quâune couronne de pampres. Et, pour retrouver en elle la vierge, la petite fille de treize ans, il fallait voir combien il y avait dâinnocence dans ses rires gras et souples de femme faite, il fallait surtout remarquer la dĂ©licatesse encore enfantine du menton et la puretĂ© molle des tempes. Le visage de Miette, hĂąlĂ© par le soleil, prenait, sous certains jours, des reflets dâambre jaune. Un fin duvet noir mettait dĂ©jĂ au-dessus de sa lĂšvre supĂ©rieure une ombre lĂ©gĂšre. Le travail commençait Ă dĂ©former ses petites mains courtes, qui auraient pu devenir, en restant paresseuses, dâadorables mains potelĂ©es de et SilvĂšre restĂšrent longtemps muets. Ils lisaient dans leurs pensĂ©es inquiĂštes. Et, Ă mesure quâils descendaient ensemble dans la crainte et lâinconnu du lendemain, ils se serraient dâune Ă©treinte plus Ă©troite. Ils sâentendaient jusquâau coeur, ils sentaient lâinutilitĂ© et la cruautĂ© de toute plainte faite Ă voix haute. La jeune fille ne put cependant se contenir davantage; elle Ă©touffait, elle dit en une phrase leur inquiĂ©tude Ă tous deux. Tu reviendras, nâest-ce pas? » balbutia-t-elle en se pendant au cou de sans rĂ©pondre, la gorge serrĂ©e et craignant de pleurer comme elle, la baisa sur la joue, en frĂšre qui ne trouve pas dâautre consolation. Ils se sĂ©parĂšrent, ils retombĂšrent dans leur bout dâun instant, Miette frissonna. Elle ne sâappuyait plus contre lâĂ©paule de SilvĂšre, elle sentait son corps se glacer. La veille, elle nâeĂ»t pas frissonnĂ© de la sorte, au fond de cette allĂ©e dĂ©serte, sur cette pierre tombale oĂč, depuis plusieurs saisons, ils vivaient si heureusement leurs tendresses dans la paix des vieux morts. Jâai bien froid, dit-elle, en remettant le capuchon de sa pelisse.â Veux-tu que nous marchions? Lui demanda le jeune homme. Il nâest pas neuf heures, nous pouvons faire un bout de promenade sur la route. » Miette pensait quâelle nâaurait peut-ĂȘtre pas de longtemps la joie dâun rendez-vous, dâune de ces causeries du soir pour lesquelles elle vivait les journĂ©es. Oui, marchons, rĂ©pondit-elle vivement, allons jusquâau moulin⊠Je passerais la nuit, si tu voulais. »Ils quittĂšrent le banc et se cachĂšrent dans lâombre dâun tas de planches. LĂ , Miette Ă©carta sa pelisse, qui Ă©tait piquĂ©e Ă petits losanges et doublĂ©e dâune indienne rouge sang; puis elle jeta un pan de ce chaud et large manteau sur les Ă©paules de SilvĂšre, lâenveloppant ainsi tout entier, le mettant avec elle, serrĂ© contre elle, dans le mĂȘme vĂȘtement. Ils passĂšrent mutuellement un bras autour de leur taille pour ne faire quâun. Quand ils furent ainsi confondus en un seul ĂȘtre, quand ils se trouvĂšrent enfouis dans les plis de la pelisse au point de perdre toute forme humaine, ils se mirent Ă marcher Ă petits pas, se dirigeant vers la route, traversant sans crainte les espaces nus du chantier, blancs de lune. Miette avait enveloppĂ© SilvĂšre et celui-ci sâĂ©tait prĂȘtĂ© Ă cette opĂ©ration dâune façon toute naturelle, comme si la pelisse leur eĂ»t, chaque soir, rendu le mĂȘme route de Nice, aux deux cĂŽtĂ©s de laquelle se trouve bĂąti le faubourg, Ă©tait bordĂ©e, en 1851, dâormes sĂ©culaires, vieux gĂ©ants, ruines grandioses et pleines encore de puissance, que la municipalitĂ© proprette de la ville a remplacĂ©s, depuis quelques annĂ©es, par de petits platanes. Lorsque SilvĂšre et Miette se trouvĂšrent sous les arbres, dont la lune dessinait le long du trottoir les branches monstrueuses, ils rencontrĂšrent, Ă deux ou trois reprises, des masses noires qui se mouvaient silencieusement au ras des comme eux, des couples dâamoureux, hermĂ©tiquement clos dans un pan dâĂ©toffe, promenant au fond de lâombre leur tendresse discrĂšte. Les amants des villes du Midi ont adoptĂ© ce genre de promenade. Les garçons et les filles du peuple, ceux qui doivent se marier un jour et qui ne sont pas fĂąchĂ©s de sâembrasser un peu auparavant, ignorent oĂč se rĂ©fugier pour Ă©changer des baisers Ă lâaise sans trop sâexposer aux bavardages. Dans la ville, bien que les parents leur laissent une entiĂšre libertĂ©, sâils louaient une chambre, sâils se rencontraient seul Ă seule, ils seraient, le lendemain, le scandale du pays; dâautre part, ils nâont pas le temps, tous les soirs, de gagner les solitudes de la campagne. Alors ils ont pris un moyen terme ils battent les faubourgs, les terrains vagues, les allĂ©es des routes, tous les endroits oĂč il y a peu de passants et beaucoup de trous noirs. Et, pour plus de prudence, comme tous les habitants se connaissent, ils ont le soin de se rendre mĂ©connaissables en sâenfouissant dans une de ces grandes mantes qui abriteraient une famille entiĂšre. Les parents tolĂšrent ces courses en pleines tĂ©nĂšbres; la morale rigide de la province ne paraĂźt pas sâen alarmer; il est admis que les amoureux ne sâarrĂȘtent jamais dans les coins ni ne sâassoient au fond des terrains, et cela suffit pour calmer les pudeurs effarouchĂ©es. On ne peut guĂšre que sâembrasser en marchant. Parfois cependant une fille tourne mal les amants se sont de plus charmant, en vĂ©ritĂ©, que ces promenades dâamour. Lâimagination cĂąline et inventive du Midi est lĂ tout entiĂšre. Câest une vĂ©ritable mascarade, fertile en petits bonheurs et Ă la portĂ©e des misĂ©rables. Lâamoureuse nâa quâĂ ouvrir son vĂȘtement, elle a un asile tout prĂȘt pour son amoureux; elle le cache sur son coeur, dans la tiĂ©deur de ses habits, comme les petites bourgeoises cachent leurs galants sous les lits ou dans les armoires. Le fruit dĂ©fendu prend ici une saveur particuliĂšrement douce; il se mange en plein air, au milieu des indiffĂ©rents, le long des routes. Et ce quâil y a dâexquis, ce qui donne une voluptĂ© pĂ©nĂ©trante aux baisers Ă©changĂ©s, ce doit ĂȘtre la certitude de pouvoir sâembrasser impunĂ©ment devant le monde, de rester des soirĂ©es en public aux bras lâun de lâautre, sans courir le danger dâĂȘtre reconnus et montrĂ©s au doigt. Un couple nâest plus quâune masse brune, il ressemble Ă un autre couple. Pour le promeneur attardĂ© qui voit vaguement ces masses se mouvoir, câest lâamour qui passe, rien de plus; lâamour sans nom, lâamour quâon devine et quâon ignore. Les amants se savent bien cachĂ©s; ils causent Ă voix basse, ils sont chez eux; le plus souvent ils ne disent rien, ils marchent pendant des heures, au hasard, heureux de se sentir serrĂ©s ensemble dans le mĂȘme bout dâindienne. Cela est trĂšs voluptueux et trĂšs virginal Ă la fois. Le climat est le grand coupable; lui seul a dĂ» dâabord inviter les amants Ă prendre les coins des faubourgs pour retraites. Par les belles nuits dâĂ©tĂ©, on ne peut faire le tour de Plassans sans dĂ©couvrir, dans lâombre de chaque pan de mur, un couple encapuchonnĂ©; certains endroits, lâaire de Saint-Mittre par exemple, sont peuplĂ©s de ces dominos sombres qui se frĂŽlent lentement, sans bruit, au milieu des tiĂ©deurs de la nuit sereine; on dirait les invitĂ©s dâun bal mystĂ©rieux que les Ă©toiles donneraient aux amours des pauvres gens. Quand il fait trop chaud et que les jeunes filles nâont plus leur pelisse, elles se contentent de retrousser leur premiĂšre jupe. Lâhiver, les plus amoureux se moquent des gelĂ©es. Tandis quâils descendaient la route de Nice, SilvĂšre et Miette ne songeaient guĂšre Ă se plaindre de la froide nuit de jeunes gens traversĂšrent le faubourg endormi sans Ă©changer une parole. Ils retrouvaient, avec une muette joie, le charme tiĂšde de leur Ă©treinte. Leurs coeurs Ă©taient tristes, la fĂ©licitĂ© quâils goĂ»taient Ă se serrer lâun contre lâautre avait lâĂ©motion douloureuse dâun adieu, et il leur semblait quâils nâĂ©puiseraient jamais la douceur et lâamertume de ce silence qui berçait lentement leur marche. BientĂŽt, les maisons devinrent plus rares, ils arrivĂšrent Ă lâextrĂ©mitĂ© du sâouvre le portail du Jas-Meiffren, deux forts piliers reliĂ©s par une grille qui laisse voir, entre ses barreaux, une longue allĂ©e de mĂ»riers. En passant, SilvĂšre et Miette jetĂšrent instinctivement un regard dans la partir du Jas-Meiffren, la grande route descend, par une pente douce, jusquâau fond dâune vallĂ©e qui sert de lit Ă une petite riviĂšre, la Viorne, ruisseau lâĂ©tĂ© et torrent lâhiver. Les deux rangĂ©es dâormes continuaient, Ă cette Ă©poque, et faisaient de la route une magnifique avenue coupant la cĂŽte, plantĂ©e de blĂ© et de vignes maigres, dâun large ruban dâarbres gigantesques. Par cette nuit de dĂ©cembre, sous la lune claire et froide, les champs fraĂźchement labourĂ©s sâĂ©tendaient aux deux abords du chemin, pareils Ă de vastes couches dâouate grisĂątre, qui auraient amorti tous les bruits de lâair. Au loin, la voix sourde de la Viorne mettait seule un frisson dans lâimmense paix de la les jeunes gens eurent commencĂ© Ă descendre lâavenue, la pensĂ©e de Miette retourna au Jas-Meiffren, quâils venaient de laisser derriĂšre eux. Jâai eu grand-peine Ă mâĂ©chapper ce soir, dit-elleâŠMon oncle ne se dĂ©cidait pas Ă me congĂ©dier. Il sâĂ©tait enfermĂ© dans un cellier, et je crois quâil y enterrait son argent, car il a paru trĂšs effrayĂ©, ce matin, des Ă©vĂ©nements qui se prĂ©parent. » SilvĂšre eut une Ă©treinte plus douce. Va, rĂ©pondit-il, sois courageuse. Il viendra un temps oĂč nous nous verrons librement toute la journĂ©e.., Il ne faut pas se chagriner.â Oh! Reprit la jeune fille en secouant la tĂȘte, tu as de lâespĂ©rance, toi⊠Il y a des jours oĂč je suis bien triste. Ce ne sont pas les gros travaux qui me dĂ©solent; au contraire; je suis souvent heureuse des duretĂ©s de mon oncle et des besognes quâil mâimpose. Il a eu raison de faire de moi une paysanne; jâaurais peut-ĂȘtre mal tournĂ©; car vois-tu, SilvĂšre, il y a des moments oĂč je me crois maudite⊠Alors je voudrais ĂȘtre morte⊠Je pense Ă celui que tu sais⊠» En prononçant ces derniĂšres paroles, la voix de lâenfant se brisa dans un sanglot. SilvĂšre lâinterrompit dâun ton presque rude. Tais-toi, dit-il. Tu mâavais promis de moins songer Ă cela. Ce nâest pas ton crime. » Puis il ajouta dâun accent plus doux Nous nous aimons bien, nâest-ce pas? Quand nous serons mariĂ©s, tu nâauras plus de mauvaises heures.â Je sais, murmura Miette, tu es bon, tu me tends la main. Mais que veux-tu? Jâai des craintes, je me sens des rĂ©voltes, parfois. Il me semble quâon mâa fait tort, et alors jâai des envies dâĂȘtre mĂ©chante. Je tâouvre mon coeur, Ă fois quâon me jette le nom de mon pĂšre au visage, jâĂ©prouve une brĂ»lure par tout le corps. Quand je passe et que les gamins crient Eh! La Chantegreil! Cela me met hors de moi; je voudrais les tenir pour les battre. » Et, aprĂšs un silence farouche, elle reprit Tu es un homme, toi, tu vas tirer des coups de fusilâŠTu es bien heureux. » SilvĂšre lâavait laissĂ©e parler. Au bout de quelques pas, il dit dâune voix triste Tu as tort, Miette; ta colĂšre est mauvaise. Il ne faut pas se rĂ©volter contre la justice. Moi je vais me battre pour notre droit Ă tous; je nâai aucune vengeance Ă satisfaire.â Nâimporte, continua la jeune fille, je voudrais ĂȘtre un homme et tirer des coups de fusil. Il me semble que cela me ferait du bien. » Et, comme SilvĂšre gardait le silence, elle vit quâelle lâavait mĂ©contentĂ©. Toute sa fiĂšvre tomba. Elle balbutia dâune voix suppliante Tu ne mâen veux pas? Câest ton dĂ©part qui me chagrine et qui me jette Ă ces idĂ©es-lĂ . Je sais bien que tu as raison, que je dois ĂȘtre humble⊠» Elle se mit Ă pleurer. SilvĂšre, Ă©mu, prit ses mains quâil baisa. Voyons, dit-il tendrement, tu vas de la colĂšre aux larmes comme une enfant. Il faut ĂȘtre raisonnable. Je ne te gronde pas⊠Je voudrais simplement te voir plus heureuse, et cela dĂ©pend beaucoup de toi. » Le drame dont Miette venait dâĂ©voquer si douloureusement le souvenir, laissa les amoureux tout attristĂ©s pendant quelques minutes. Ils continuĂšrent Ă marcher, la tĂȘte basse, troublĂ©s par leurs pensĂ©es. Au bout dâun instant Me crois-tu beaucoup plus heureux que toi? demanda SilvĂšre, revenant malgrĂ© lui Ă la conversation. Si ma grand mĂšre ne mâavait pas recueilli et Ă©levĂ©, que serais-je devenu?A part lâoncle Antoine, qui est ouvrier comme moi et qui mâa appris Ă aimer la RĂ©publique, tous mes autres parents ont lâair de craindre que je ne les salisse quand je passe Ă cĂŽtĂ© dâeux. » Il sâanimait en parlant; il sâĂ©tait arrĂȘtĂ©, retenant Miette au milieu de la route. Dieu mâest tĂ©moin, continuat-il, que je nâenvie et que je ne dĂ©teste personne. Mais, si nous triomphons, il faudra que je leur dise leur fait, Ă ces beaux messieurs. Câest lâoncle Antoine qui en sait long lĂ -dessus. Tu verras Ă notre retour. Nous vivrons tous libres et heureux. » Miette lâentraĂźna doucement. Ils se remirent Ă marcher. Tu lâaimes bien, ta RĂ©publique, dit lâenfant en essayant de plaisanter. Mâaimes-tu autant quâelle? » Elle riait, mais il y avait quelque amertume au fond de son rire. Peut-ĂȘtre se disaitelle que SilvĂšre la quittait bien facilement pour courir les campagnes. Le jeune homme rĂ©pondit dâun ton grave Toi, tu es ma femme. Je tâai donnĂ© tout mon la RĂ©publique, vois-tu, parce que je tâaime. Quand nous serons mariĂ©s, il nous faudra beaucoup de bonheur, et câest pour une part de ce bonheur que je mâĂ©loignerai demain matin⊠Tu ne me conseilles pas de rester chez moi?â Oh! Non, sâĂ©cria vivement la jeune fille. Un homme doit ĂȘtre fort. Câest beau, le courage!⊠Il faut me pardonner dâĂȘtre jalouse. Je voudrais bien ĂȘtre aussi forte que mâaimerais encore davantage, nâest-ce pas? » Elle garda un instant le silence, puis elle ajouta avec une vivacitĂ© et une naĂŻvetĂ© charmantes Ah! Comme je tâembrasserai volontiers, quand tu reviendras. » Ce cri dâun coeur aimant et courageux toucha profondĂ©ment SilvĂšre. Il prit Miette entre ses bras et lui mit plusieurs baisers sur les joues. Lâenfant se dĂ©fendit un peu en riant. Et elle avait des larmes dâĂ©motion plein les des amoureux, la campagne continuait Ă dormir dans lâimmense paix du froid. Ils Ă©taient arrivĂ©s au milieu de la cĂŽte. LĂ , Ă gauche, se trouvait un monticule assez Ă©levĂ©, au sommet duquel la lune blanchissait les ruines dâun moulin Ă vent; la tour seule restait, tout Ă©croulĂ©e dâun le but que les jeunes gens avaient assignĂ© Ă leur promenade. Depuis le faubourg, ils allaient devant eux, sans donner un seul coup dâoeil aux champs quâils il eut baisĂ© Miette sur les joues, SilvĂšre leva la tĂȘte. Il aperçut le moulin. Comme nous avons marchĂ©! SâĂ©cria-t-il. Voici le moulin. Il doit ĂȘtre prĂšs de neuf heures et demie, il faut rentrer. » Miette fit la moue. Marchons encore un peu, implorat-elle, quelques pas seulement, jusquâĂ la petite traverse⊠Vrai, rien que jusque-lĂ . » SilvĂšre la reprit Ă la taille, en souriant. Ils se mirent de nouveau Ă descendre la cĂŽte. Ils ne craignaient plus les regards des curieux; depuis les derniĂšres maisons, ils nâavaient pas rencontrĂ© Ăąme qui vive. Ils nâen restĂšrent pas moins enveloppĂ©s dans la grande pelisse. Cette pelisse, ce vĂȘtement commun, Ă©tait comme le nid naturel de leurs amours. Elle les avait cachĂ©s pendant tant de soirĂ©es heureuses! Sâils sâĂ©taient promenĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte, ils se seraient crus tout petits et tout isolĂ©s dans la vaste campagne. Cela les rassurait, les grandissait, de ne former quâun ĂȘtre. Ils regardaient, Ă travers les plis de la pelisse, les champs qui sâĂ©tendaient aux deux bords de la route, sans Ă©prouver cet Ă©crasement que les larges horizons indiffĂ©rents font peser sur les tendresses humaines. Il leur semblait quâils avaient emportĂ© leur maison avec eux, jouissant de la campagne comme on en jouit par une fenĂȘtre, aimant ces solitudes calmes, ces nappes de lumiĂšre dormante, ces bouts de nature, vagues sous le linceul de lâhiver et de la nuit, cette vallĂ©e entiĂšre qui, en les charmant, nâĂ©tait cependant pas assez forte pour se mettre entre leurs deux coeurs serrĂ©s lâun contre lâ ils avaient cessĂ© toute conversation suivie; ils ne parlaient plus des autres, ils ne parlaient mĂȘme plus dâeux-mĂȘmes; ils Ă©taient Ă la seule minute prĂ©sente, Ă©changeant un serrement de mains, poussant une exclamation Ă la vue dâun coin de paysage, prononçant de rares paroles, sans trop sâentendre, comme assoupis par la tiĂ©deur de leurs corps. SilvĂšre oubliait ses enthousiasmes rĂ©publicains; Miette ne songeait plus que son amoureux devait la quitter dans une heure, pour longtemps, pour toujours quâaux jours ordinaires, lorsque aucun adieu ne troublait la paix de leurs rendez-vous, ils sâendormaient dans le ravissement de leurs allaient toujours. Ils arrivĂšrent bientĂŽt Ă la petite traverse dont Miette avait parlĂ©, bout de ruelle qui sâenfonce dans la campagne, menant Ă un village bĂąti au bord de la Viorne. Mais ils ne sâarrĂȘtĂšrent pas, ils continuĂšrent Ă descendre en feignant de ne point voir ce sentier quâils sâĂ©taient promis de ne point dĂ©passer. Ce fut seulement quelques minutes plus loin que SilvĂšre murmura Il doit ĂȘtre bien tard, tu vas te fatiguer.â Non, je te jure, je ne suis pas lasse, rĂ©pondit la jeune fille. Je marcherais bien comme cela pendant des lieues. » Puis elle ajouta dâune voix cĂąline Veux-tu? Nous allons descendre jusquâaux prĂšs Sainte-Claire⊠LĂ , ce sera fini pour tout de bon, nous rebrousserons chemin. »SilvĂšre, que la marche cadencĂ©e de lâenfant berçait, et qui sommeillait doucement, les yeux ouverts, ne fit aucune objection. Ils reprirent leur extase. Ils avançaient dâun pas ralenti, par crainte du moment oĂč il leur faudrait remonter la cĂŽte; tant quâils allaient devant eux, il leur semblait marcher Ă lâĂ©ternitĂ© de cette Ă©treinte qui les liait lâun Ă lâautre; le retour, câĂ©tait la sĂ©paration, lâadieu Ă peu, la pente de la route devenait moins rapide. Le fond de la vallĂ©e est occupĂ© par des prairies qui sâĂ©tendent jusquâĂ la Viorne, coulant Ă lâautre bout, le long dâune suite de collines basses. Ces prairies, que des haies vives sĂ©parent du grand chemin, sont les prĂšs Sainte-Claire. Bah! SâĂ©cria SilvĂšre Ă son tour, en apercevant les premiĂšres nappes dâherbe, nous irons bien jusquâau pont. » Miette eut un frais Ă©clat de rire. Elle prit le jeune homme par le cou et lâembrassa lâendroit oĂč commencent les haies, la longue avenue dâarbres se terminait alors par deux ormes, deux colosses plus gigantesques encore que les autres. Les terrains sâĂ©tendent au ras de la route, nus, pareils Ă une large bande de laine verte, jusquâaux saules et aux bouleaux de la derniers ormes au pont, il y avait, dâailleurs, Ă peine trois cents mĂštres. Les amoureux mirent un bon quart dâheure pour franchir cette distance. Enfin, malgrĂ© toutes leurs lenteurs, ils se trouvĂšrent sur le pont. Ils sâ eux, la route de Nice montait le versant opposĂ© de la vallĂ©e; mais ils ne pouvaient en voir quâun bout assez court, car elle fait un coude brusque, Ă un demi-kilomĂštre du pont, et se perd entre des coteaux boisĂ©s. En se retournant, ils aperçurent lâautre bout de la route, celui quâils venaient de parcourir et qui va en ligne droite de Plassans Ă la Viorne. Sous ce beau clair de lune dâhiver, on eĂ»t dit un long ruban dâargent que les rangĂ©es dâormes bordaient de deux lisĂ©rĂ©s sombres. A droite et Ă gauche, les terres labourĂ©es de la cĂŽte faisaient de larges mers grises et vagues, coupĂ©es par ce ruban, par cette route blanche et gelĂ©e, dâun Ă©clat mĂ©tallique. Tout en haut brillaient, au ras de lâhorizon, pareilles Ă des Ă©tincelles vives, quelques fenĂȘtres encore Ă©clairĂ©es du faubourg. Miette et SilvĂšre, pas Ă pas, sâĂ©taient Ă©loignĂ©s dâune grande lieue. Ils jetĂšrent un regard sur le chemin parcouru, frappĂ©s dâune muette admiration par cet immense amphithéùtre qui montait jusquâau bord du ciel, et sur lequel des nappes de clartĂ©s bleuĂątres coulaient comme sur les degrĂ©s dâune cascade gĂ©ante. Ce dĂ©cor Ă©trange, cette apothĂ©ose colossale se dressait dans une immobilitĂ© et dans un silence de mort. Rien nâĂ©tait dâune plus souveraine les jeunes gens, qui venaient de sâappuyer contre un parapet du pont, regardĂšrent Ă leurs pieds. La Viorne, grossie par les pluies, passait au-dessous dâeux, avec des bruits sourds et continus. En amont et en aval, au milieu des tĂ©nĂšbres amassĂ©es dans les creux, ils distinguaient les lignes noires des arbres poussĂ©s sur les rives; çà et lĂ , un rayon de lune glissait, mettant sur lâeau une traĂźnĂ©e dâĂ©tain fondu qui luisait et sâagitait comme un reflet de jour sur les Ă©cailles dâune bĂȘte vivante. Ces lueurs couraient avec un charme mystĂ©rieux le long de la coulĂ©e grisĂątre du torrent, entre les fantĂŽmes vagues des feuillages. On eĂ»t dit une vallĂ©e enchantĂ©e, une merveilleuse retraite oĂč vivait dâune vie Ă©trange tout un peuple dâombres et de amoureux connaissaient bien ce bout de riviĂšre; par les chaudes nuits de juillet, ils Ă©taient souvent descendus lĂ , pour trouver quelque fraĂźcheur; ils avaient passĂ© de longues heures, cachĂ©s dans les bouquets de saules, sur la rive droite, Ă lâendroit oĂč les prĂšs Sainte-Claire dĂ©roulent leur tapis de gazon jusquâau bord de lâeau. Ils se souvenaient des moindres plis de la rive; des pierres sur lesquelles il fallait sauter pour enjamber la Viorne, alors mince comme un fil; de certains trous dâherbe dans lesquels ils avaient rĂȘvĂ© leurs rĂȘves de tendresse. Aussi Miette, du haut du pont, contemplait elle dâun regard dâenvie la rive droite du torrent. Sâil faisait plus chaud, soupira-t-elle, nous pourrions descendre nous reposer un peu, avant de remonter la cĂŽte⊠» Puis, aprĂšs un silence, les yeux toujours fixĂ©s sur les bords de la Viorne Regarde donc, SilvĂšre, reprit-elle, cette masse noire, lĂ bas, avant lâĂ©cluse⊠Te rappelles-tu?⊠Câest la broussaille dans laquelle nous nous sommes assis, Ă la FĂȘte-Dieu derniĂšre.â Oui, câest la broussaille », rĂ©pondit SilvĂšre Ă voix lĂ quâils avaient osĂ© se baiser sur les joues. Ce souvenir que lâenfant venait dâĂ©voquer leur causa Ă tous deux une sensation dĂ©licieuse, Ă©motion dans laquelle se mĂȘlaient les joies de la veille et les espoirs du lendemain. Ils virent, comme Ă la lueur dâun Ă©clair, les bonnes soirĂ©es quâils avaient vĂ©cues ensemble, surtout cette soirĂ©e de la FĂȘte-Dieu dont ils se rappelaient les moindres dĂ©tails, le grand ciel tiĂšde, le frais des saules de la Viorne, les mots caressants de leur causerie. Et, en mĂȘme temps, tandis que les choses du passĂ© leur remontaient au coeur avec une saveur douce, ils crurent pĂ©nĂ©trer lâinconnu de lâavenir, se voir au bras lâun de lâautre, ayant rĂ©alisĂ© leur rĂȘve et se promenant dans la vie comme ils venaient de le faire sur la grande route, chaudement couverts dâune mĂȘme le ravissement les reprit, les yeux sur les yeux, se souriant, perdus au milieu des muettes SilvĂšre leva la tĂȘte. Il se dĂ©barrassa des plis de la pelisse, il prĂȘta lâoreille. Miette, surprise, lâimita, sans comprendre pourquoi il se sĂ©parait dâelle dâun geste si un instant, des bruits confus venaient de derriĂšre les coteaux, au milieu desquels se perd la route de comme les cahots Ă©loignĂ©s dâun convoi de charrettes. La Viorne, dâailleurs, couvrait de son grondement ces bruits encore indistincts. Mais peu Ă peu ils sâaccentuĂšrent, ils devinrent pareils aux piĂ©tinements dâune armĂ©e en marche. Puis on distingua, dans ce roulement continu et croissant, des brouhahas de foule, dâĂ©tranges souffles dâouragan cadencĂ©s et rythmiques; on aurait dit les coups de foudre dâun orage qui sâavançait rapidement, troublant dĂ©jĂ de son approche lâair endormi. SilvĂšre Ă©coutait, ne pouvant saisir ces voix de tempĂȘte que les coteaux empĂȘchaient dâarriver nettement jusquâĂ lui. Et, tout Ă coup, une masse noire apparut au coude de la route; la Marseillaise, chantĂ©e avec une furie vengeresse, Ă©clata, formidable. Ce sont eux! » sâĂ©cria SilvĂšre dans un Ă©lan de joie et dâ se mit Ă courir, montant la cĂŽte, entraĂźnant Miette. Il y avait, Ă gauche de la route, un talus plantĂ© de chĂȘnes verts, sur lequel il grimpa avec la jeune fille, pour ne pas ĂȘtre emportĂ©s tous deux par le flot hurlant de la ils furent sur le talus, dans lâombre des broussailles, lâenfant, un peu pĂąle, regarda tristement ces hommes dont les chants lointains avaient suffi pour arracher SilvĂšre de ses bras. Il lui sembla que la bande entiĂšre venait se mettre entre elle et lui. Ils Ă©taient si heureux, quelques minutes auparavant, si Ă©troitement unis, si seuls, si perdus dans le grand silence et les clartĂ©s discrĂštes de la lune. Et maintenant SilvĂšre, la tĂȘte tournĂ©e, ne paraissant mĂȘme plus savoir quâelle Ă©tait lĂ , nâavait de regards que pour ces inconnus quâil appelait du nom de bande descendait avec un Ă©lan superbe, de plus terriblement grandiose que lâirruption de ces quelques milliers dâhommes dans la paix morte et glacĂ©e de lâhorizon. La route, devenue torrent, roulait des flots vivants qui semblaient ne pas devoir sâĂ©puiser; toujours, au coude du chemin, se montraient de nouvelles masses noires, dont les chants enflaient de plus en plus la grande voix de cette tempĂȘte humaine. Quand les derniers bataillons apparurent, il y eut un Ă©clat assourdissant. La Marseillaise emplit le ciel, comme soufflĂ©e par des bouches gĂ©antes dans de monstrueuses trompettes qui la jetaient, vibrante, avec des sĂ©cheresses de cuivre, Ă tous les coins de la vallĂ©e. Et la campagne endormie sâĂ©veilla en sursaut; elle frissonna tout entiĂšre, ainsi quâun tambour que frappent les baguettes; elle retentit jusquâaux entrailles, rĂ©pĂ©tant par tous ses Ă©chos les notes ardentes du chant national. Alors ce ne fut plus seulement la bande qui chanta; des bouts de lâhorizon, des rochers lointains, des piĂšces de terre labourĂ©es, des prairies, des bouquets dâarbres, des moindres broussailles, semblĂšrent sortir des voix humaines; le large amphithéùtre qui monte de la riviĂšre Ă Plassans, la cascade gigantesque sur laquelle coulaient les bleuĂątres clartĂ©s de la lune, Ă©taient comme couverts par un peuple invisible et innombrable acclamant les insurgĂ©s; et, au fond des creux de la Viorne, le long des eaux rayĂ©es de mystĂ©rieux reflets dâĂ©tain fondu, il nây avait pas un trou de tĂ©nĂšbres oĂč des hommes cachĂ©s ne parussent reprendre chaque refrain avec une colĂšre plus haute. La campagne, dans lâĂ©branlement de lâair et du sol, criait vengeance et libertĂ©. Tant que la petite armĂ©e descendit la cĂŽte, le rugissement populaire roula ainsi par ondes sonores traversĂ©es de brusques Ă©clats, secouant jusquâaux pierres du blanc dâĂ©motion, Ă©coutait et regardait insurgĂ©s qui marchaient en tĂȘte, traĂźnant derriĂšre eux cette longue coulĂ©e grouillante et mugissante, monstrueusement indistincte dans lâombre, approchaient du pont Ă pas rapides. Je croyais, murmura Miette, que vous ne deviez pas traverser Plassans?â On aura modifiĂ© le plan de campagne, rĂ©pondit SilvĂšre; nous devions, en effet, nous porter sur le chef-lieu par la route de Toulon, en prenant Ă gauche de Plassans et dâOrchĂšres, Ils seront partis dâAlboise cet aprĂšs-midi et auront passĂ© aux Tulettes dans la soirĂ©e. » La tĂȘte de la colonne Ă©tait arrivĂ©e devant les jeunes rĂ©gnait, dans la petite armĂ©e, plus dâordre quâon nâen aurait pu attendre dâune bande dâhommes indisciplinĂ©s. Les contingents de chaque ville, de chaque bourg, formaient des bataillons distincts qui marchaient Ă quelques pas les uns des autres. Ces bataillons paraissaient obĂ©ir Ă des lâĂ©lan qui les prĂ©cipitait en ce moment sur la pente de la cĂŽte, en faisait une masse compacte, solide, dâune puissance invincible. Il pouvait y avoir lĂ environ trois mille hommes unis et emportĂ©s dâun bloc par un vent de colĂšre. On distinguait mal, dans lâombre que les hauts talus jetaient le long de la route, les dĂ©tails Ă©tranges de cette scĂšne. Mais, Ă cinq ou six pas de la broussaille oĂč sâĂ©taient abritĂ©s Miette et SilvĂšre, le talus de gauche sâabaissait pour laisser passer un petit chemin qui suivait la Viorne, et la lune, glissant par cette trouĂ©e, rayait la route dâune large bande lumineuse. Quand les premiers insurgĂ©s entrĂšrent dans ce rayon, ils se trouvĂšrent subitement Ă©clairĂ©s dâune clartĂ© dont les blancheurs aiguĂ«s dĂ©coupaient, avec une nettetĂ© singuliĂšre, les moindres arĂȘtes des visages et des costumes. A mesure que les contingents dĂ©filĂšrent, les jeunes gens les virent ainsi, en face dâeux, farouches, sans cesse renaissants, surgir brusquement des premiers hommes qui entrĂšrent dans la clartĂ©, Miette, dâun mouvement instinctif, se serra contre SilvĂšre, bien quâelle se sentĂźt en sĂ»retĂ©, Ă lâabri mĂȘme des passa le bras au cou du jeune homme, appuya la tĂȘte contre son Ă©paule. Le visage encadrĂ© par le capuchon de la pelisse, pĂąle, elle se tint debout, les yeux fixĂ©s sur ce carrĂ© de lumiĂšre que traversaient rapidement de si Ă©tranges faces, transfigurĂ©es par lâenthousiasme, la bouche ouverte et noire, toute pleine du cri vengeur de la quâelle sentait frĂ©mir Ă son cĂŽtĂ©, se pencha alors Ă son oreille et lui nomma les divers contingents, Ă mesure quâils se prĂ©sentaient.Parfaitepour votre camping-car, votre bateau ou votre petite cuisine, cette machine Ă glaçons est compacte, portable et fonctionne partout oĂč une prise est disponible Assez grand pour rĂ©approvisionner les glaciĂšres et assez petit pour les rafraĂźchissements Vente de machines Ă glaçons professionnelles Pour les professionnels de la restauration, disposer dâune machine Ă glaçons fiable et efficace est un plus Ă ne pas nĂ©gliger. Câest pourquoi Procold a sĂ©lectionnĂ© pour vous les fabriques Ă glaçons de la marque phare du secteur ITV. 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